Chahid ElHafedh, 29 sept 2021 (SPS) Le Tribunal de l'Union européenne a annulé mercredi deux accords sur la pêche et l'agriculture liant le Maroc à l'Union européenne (UE) et étendus au Sahara Occidental occupé, affirmant en outre que le Front Polisario est le seul représentant légal du peuple du Sahara Occidental.
Le Tribunal de l'UE a prononcé mercredi l'annulation de ces deux accords, précisant qu'ils ont été conclus en violation de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de 2016 et sans le consentement du peuple du Sahara Occidental.
"Le Tribunal annule les décisions du Conseil relatives d'une part à l'accord entre l'UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l'UE aux produits d'origine marocaine ainsi que d'autre part à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable", souligne le communiqué du Tribunal.
En outre, le Tribunal a affirmé que le Front Polisario est le seul représentant légal du peuple du Sahara qui dispose de l'autonomie et de la responsabilité pour agir devant la justice européenne au nom du peuple sahraoui.
"Le tribunal constate que le requérant est reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara Occidental, même à supposer que cette reconnaissance s'inscrit dans le cadre limité du processus de ce territoire. En outre sa participation à ce processus implique qu'il dispose de l'autonomie et de la responsabilité nécessaire pour agir dans ce cadre", souligne le communiqué.
"Enfin les exigences de la protection juridictionnelles effectives imposent de reconnaitre au requérant la capacité d'introduire un recours devant le tribunal pour défendre le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental", affirme le tribunal.
Le Tribunal européen met fin au critère du bénéfice aux populations
Le Tribunal de l'UE a en outre expliqué que le critère des bénéfices de ces accords aux Sahraouis ne peut se substituer à l'exigence de l’expression du consentement du peuple sahraoui.
"Le Tribunal relève que les institutions ne sauraient valablement se fonder sur la lettre du 29 janvier 2002 du conseiller juridique de l’ONU pour substituer le critère des bénéfices des accords litigieux pour les populations concernées à l’exigence de l’expression dudit consentement".
"Cependant, les démarches entreprises par les autorités de l’Union avant la conclusion des accords litigieux ne peuvent être considérées comme ayant permis de recueillir le consentement du peuple du Sahara occidental à ces accords, conformément au principe de l’effet relatif des traités, tels qu’interprété par la Cour", précise le Tribunal.
La décision du Tribunal européen conforte l'arrêt de justice de 2016 stipulant que les investissements au Sahara occidental doivent être faits avec le consentement du peuple sahraoui et met fin à la notion "du bénéfice aux populations" prévue dans l'avis de 2002 de Hans Corell, le Conseiller juridique de l'ONU.
"Victoire triomphale du peuple Sahraoui devant la justice européenne ce mercredi 29 septembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne a rendu deux arrêts historiques pour la cause sahraouie", s'est réjouit le Front Polisario dans sa première réaction à la décision du Tribunal européen.
"L’arrêt de la Cour de 2016 était très clair, mais la Commission européenne a choisi le passage en force. Par ses arrêts, le Tribunal rappelle aux dirigeants européens que personne n’est au-dessus des lois. Le respect de l’Etat de droit et du droit international s’impose à tous car ils sont la condition de la paix dans le monde", a déclaré Oubi Bouchraya, membre du Secrétariat national du Front Polisario, chargé de l’Europe et l’Union européenne.
Le verdict impactera en particulier l'Espagne et la France, les grands moteurs" de l'investissement européen dans les territoires sahraouis occupés.
L'Espagne est le pays qui tire le plus de bénéfices de l'accord de pêche UE/Maroc étendus au Sahara Occidental. Sur les 128 navires européens autorisés à pêcher dans les eaux territoriales sahraouies, 92 sont sous pavillon espagnol.
Et Près de 90% des produits de la pêche collectées dans le cadre de l'accord UE/Maroc proviennent des eaux territoriales sahraouies. En échange de l'accès à ces eaux, l'UE verse au Maroc une moyenne annuelle de 52 millions d'euros.
Au plan politique, l'annulation de ces accords va compliquer le rétablissement des relations bilatérales entre Madrid et Rabat après la crise ouverte qui a suivi l'hospitalisation du président Brahim Ghali en Espagne, commente mercredi la presse espagnole.
Les principaux énoncés du verdict du Tribunal européen
Le Tribunal de l'Union européenne a statué, mercredi, en faveur du Front Polisario en prononçant l'annulation des nouveaux accords sur la pêche et l'agriculture conclus entre le Maroc et l'Union européenne.
Voici les principaux énoncés du verdict:
-Annulation desdits accords: Le Tribunal a annulé les décisions du Conseil relatives d'une part à l'accord entre l'UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l'UE aux produits d'origine marocaine ainsi que d'autre part à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable.
Toutefois, il précise que les effets de ces décisions sont maintenus pendant une certaine période afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux.
-Le Front Polisario, seul représentant légal du peuple sahraoui: Le Tribunal de l'UE a examiné la question de l'existence de la personnalité juridique du Front Polisario en droit international public, estimant que le rôle et la représentativité du requérant sont de nature à lui conférer la capacité d’agir devant le juge de l’Union.
Il constate que le requérant est reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental, même à supposer que cette reconnaissance s’inscrive dans le cadre limité du processus d’autodétermination de ce territoire, assurant qu'il dispose de l’autonomie et de la responsabilité nécessaires pour agir dans ce cadre.
Ainsi, le Tribunal indique que, les exigences de la protection juridictionnelle effective imposent de reconnaître au requérant la capacité d’introduire un recours devant le Tribunal pour défendre le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.
-Ecarter l'argument fallacieux des bénéfices des accords aux populations: le Tribunal relève que les institutions ne sauraient valablement se fonder sur la lettre du 29 janvier 2002 du conseiller juridique de l’ONU pour substituer le critère des bénéfices des accords litigieux pour les populations concernées à l’exigence de l’expression dudit consentement.
-Exigence du consentement du peuple sahraoui: Le Tribunal relève que, pour que le consentement soit valide, il doit être libre et authentique, ce qui est le critère fondamental du droit à l’autodétermination.
"Lorsqu’une règle de droit international exige le consentement d’une partie ou d’un tiers, l’expression de ce consentement conditionne la validité de l’acte pour lequel il est requis, la validité dudit consentement lui-même dépend de son caractère libre et authentique, et ledit acte est opposable à la partie ou au tiers y ayant valablement consenti".
Le Tribunal constate que, " eu égard à la portée juridique, en droit international, de la notion de "peuple", d’une part, et de la notion de "consentement", d’autre part, les soit disant "consultations" des "populations concernées" organisées par les institutions n’ont pu aboutir à l’expression du consentement du peuple du Sahara occidental. (SPS)
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