Alger, 28 sept 2021 (SPS) Quel que soit le verdict du Tribunal européen attendu le 29 septembre courant, aucune entreprise étrangère n'a le droit d'investir au Sahara occidental dans le cadre d'un accord conclu avec le Maroc, en vertu de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) prononcé 2016 et qui a fait clairement la distinction entre les territoires marocain et sahraoui, assure Gilles Devers, avocat du Front Polisario.
"Il est clair que des entreprises étrangères continuent encore à investir dans les territoires sahraouis occupés, mais tout a changé (sur le plan juridique). Cette facilité qui consistait à dire: on passe un accord avec le Maroc et après il peut s'appliquer de facto (sur le Sahara occidental) est irrémédiablement finie", en vertu de l'arrêt de justice de 2016, soutient l'avocat dans un entretien à l'APS.
Me Devers s'attend à ce que le verdict qui sera prononcé le 29 septembre courant par le Tribunal européen conforte l'arrêt de 2016 qui "a déclaré l'illégalité des pratiques antérieures et cela nous permet de fonder le recours en responsabilité" (action à travers laquelle il est possible d'exiger des dédommagements).
Selon lui, la question sera de savoir si le Tribunal européen reconnaîtra le Front Polisario comme le représentant du peuple sahraoui considéré comme seul capable de donner son accord en ce qui concerne les investissements sur son territoire.
Me Devers fera remarquer, par ailleurs, que la Commission européenne a dit souhaiter consulter les populations du Sahara occidental pour savoir si elles étaient d'accord que les contrats conclus avec le Maroc soient étendus au Sahara occidental, or "les représentants de la Commission européennes sont allés consulter des colons et des entreprises européennes travaillant au Maroc".
D'autre part, l'avocat attirera l'attention sur le fait que certains pays européens commencent, néanmoins, à changer leur point de vue en ce qui concerne l'investissement dans les territoires occupés.
"Ce que nous voyons (aujourd'hui) c'est que bon nombre d'interlocuteurs européens disent que l'Europe a autre chose à faire que d'avantager le Maroc (...) et de maintenir cette fiction qu'est sa souveraineté sur le Sahara occidental", dira-t-il.
Il pointe un doigt accusateur sur la France et l'Espagne qui sont, selon lui, "les grands moteurs" de l'investissement européen dans les territoires occupés.
"La France et l'Espagne ont fait tellement de mal au peuple sahraoui que nous avons vraiment de nombreux arguments pour les culpabiliser (...) en sachant qu'ils n'auront plus d'alternative" en raison de l'interdiction d'investir dans les territoires occupés.
L'avocat pense que la décision Tribunal européen sera en faveur des Sahraouis. La France et l'Espagne "sont persuadées qu'elles vont perdre parce que personne ne pourra revenir sur l'arrêt de 2016", a-t-il indiqué. Ces deux pays "ne font que gagner du temps".
Poursuivre des compagnies européennes pour complicité de crimes de guerre
L'avocat du Front Polisario a parlé, en outre, de la possibilité d'attaquer en justice les entreprises européennes opérant au Sahara occidental, notamment les plus importantes d'entre elles.
"Les entreprises européennes n'ont plus de cadre juridique et si elles n'ont plus de cadre juridique elles engagent leur responsabilité comme complices de crimes de guerre", a-t-il précisé évoquant la possibilité de "frapper" ces entreprises.
"Nous verrons comment elles réagiront", dit-il estimant qu'il faudrait s'attendre à un renversement de situation, les entreprises en question n'étant, en fin de compte, que des "affairistes".
Chaque année, c'est 500 à 600 millions d'euros volés au peuple sahraoui (à cause des investissements européens dans les territoires occupés) et cet argent volé ne va pas dans les investissements" au profit des Sahraouis, a-t-il tenu à préciser.
Il fera remarquer, à ce propos, que sur la trentaine de pays qui investissent dans les territoires occupés, les pays européens sont les plus représentés d'où la nécessité d'orienter "notre feu" sur les entreprises européennes.
"Il va falloir faire preuve d'une grande détermination, engager quelques actions exemplaires contre une compagnie aérienne, une banque, un exportateur agricole pour donner l'exemple. (...) Ces gens cherchent simplement à faire de l'argent et ils vont mesurer le risque", ajoute-t-il.
Sur un autre plan, l'avocat estime que parmi les effets de l'arrêt de justice de 2016, l'invalidation de l'avis de Hans Corell, ancien conseiller juridique auprès des Nations unies, émis en 2002.
L'arrêt de justice de 2016 stipule que les investissements au Sahara occidental doivent être faits avec le consentement du peuple alors que l'avis de Hans Corell dit qu'ils doivent être faits au bénéfice des populations.
Cette idée représente "une porte ouverte à la colonisation", affirme l'avocat. "Le peuple sahraoui est libre de se priver du développement économique s'il voit que ce développement économique est au profit des colons et qu'il sépare les familles, et génère des prisonniers politiques", poursuit-il.
"Le consentement du peuple doit rester la référence c'est le pilier de l'autodétermination", affirme encore l'avocat. Le consentement du peuple passe par les organes structurants à l'image du Front Polisario qui est le représentant du peuple sahraoui, conclut Gilles Devers.(SPS)
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