Alger, 08 déc 2020 (SPS) Les pays africains, dont la politique étrangère est indépendante des influences externes, doivent exiger que l’Union africaine se réapproprie le dossier sahraoui, estime Yahia Zoubir, professeur de relations internationales, de management international, et directeur de recherche en géopolitique à KEDGE Business School.
"L’Afrique, du moins les pays dont la politique étrangère est indépendante des influences externes, doivent faire valoir leur voix non seulement au sein de l’UA mais au sein de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Dénoncer les violations du droit international par ceux-là mêmes qui donnent des leçons aux Africains est en soi une lutte pour l’UA de se réapproprier le dossier", a indiqué Yahia Zoubir à l’APS.
Selon lui, l’UA a été dépossédé du dossier sahraoui sous l’influence de puissances siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU (Organisation des Nations unies).
"L’Organisation de l’Unité Africaine était co-sponsor avec l’ONU du processus de résolution du conflit du Sahara Occidental. Mais une fois que le dossier est passé au Conseil de Sécurité, l’OUA et son successeur l’UA ont été écartées (...). Evidemment, les membres du Conseil (de sécurité) proches du Maroc ont permis l’irrésolution du conflit, une situation qui a bénéficié au Maroc. Le statut quo lui a permis de consolider son occupation sans qu’il ne paie le prix pour les violations commises", a soutenu ce chercheur au Brooking institute de Doha.
L’expert ira plus loin en imputant la responsabilité du retour aux armes à l’influence exercée par la France, principalement, mais aussi des Etats-Unis. D’après ses dires, les perspectives du plan de paix ONU/UA de 1991, " ne sont pas prometteuses tant que la France et à un degré moindre les Etats-Unis bloquent le processus d’autodétermination. C’est ce blocage depuis 1991 qui est au centre de l’échec du processus de paix. Le retour à la guerre n’en est que la conséquence logique ".
Pour le Professeur Zoubir, " la résistance de la société civile sahraouie et internationale doit s’intensifier et mettre à nu la duplicité des " démocraties " dans ce conflit.
Pour sa part, l’UA doit faire valoir sa propre charte concernant les frontières héritées de l’époque coloniale. " L’UA qui soutient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui (et dont la RASD est un membre fondateur) devrait être associée aux délibérations du Conseil de sécurité", a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le Professeur Zoubir a commenté les dernières déclarations du chef de la diplomatie algérienne, Sabri Boukadoum, au sujet de l’échec de la Troïka africaine chargée de régler le conflit du Sahara Occidental et sur la nécessaire reprise en main du dossier par le Conseil paix et sécurité de l'UA (CPS).
Le directeur de recherche en géopolitique a estimé, à ce propos, que la création même de la troïka était une " erreur ". Selon lui, " le CPS devait rester saisi du dossier et l’inscrire dans son ordre du jour".
La création de la troïka africaine lors du sommet de Nouakchott de juillet 2018, avait permis au Maroc d’écarter le CPS du dossier alors que c’est au CPS que la tâche incombait pour traiter des questions de paix et de sécurité, dont la question du Sahara Occidental. Depuis son adhésion à l’UA en 2017, le Maroc a tout fait pour mettre en veilleuse la question du Sahara Occidental, a t-il indiqué.
Yahia Zoubir a estimé, en outre, que " la succession de Cyril Ramaphosa par Félix Antoine Tshisekedi, à la présidence de l'Union africaine, est synonyme d’alignement sur la position marocaine dans le conflit ". Une nouvelle donne qu’il est important de prendre en compte dans la mesure où elle pourrait avoir des répercussions négatives au sein même de l’ONU, note-t-il.
"La position de Félix Antoine Tshisekedi sur le conflit est connue et risque de créer une crise au sein de l’organisation onusienne entre ceux qui soutiennent le processus de décolonisation du territoire occupé illégalement depuis 1975 et ceux qui sont alignés sur la position marocaine", anticipe Yahia Zoubir.
"L’ouverture de consulats par des pays africains sur le territoire occupé, illégal et sans fondement juridique n’a pas suscité de réaction forte de l’UA. Donc, il est naturel que le dossier soit remis entre les mains du Conseil de paix et de sécurité dont la mission est de traiter de ces questions ", a-t-il dit. (SPS)
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