Bruxelles, 05 mars 2019 (SPS) Les nouveaux accords dans le domaine agricole et de la pêche conclus entre l’Union européenne (UE) et le Royaume du Maroc ne sont pas conformes à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et violent le droit international, ont affirmé des juristes de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Les derniers accords entre l’UE et le Maroc "sont une véritable expression de mépris de l'UE pour le droit international alors que comme l'a affirmé la CJUE, l'UE doit exercer ses compétences dans le respect du droit international dans son ensemble", a indiqué le Professeur et Président honoraire du Centre de droit international (CDI) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), Eric David, lors d’une conférence organisée récemment par ULB.
Revenant sur le processus de négociation ayant mené aux conclusions desdits accords et sur le rapport de la Commission européenne sur les prétendus bénéfices de ces accords sur le peuple sahraoui, M. David a mis en évidence le "caractère biaisé de l’ensemble du processus engagé par l’UE", qui a, a-t-il regretté, "foulé aux pieds" l’impératif du consentement du peuple du Sahara occidental, tel qu’exigé dans les arrêts de la CJUE du 21 décembre 2016 et du 27 mars 2018.
Ces accords, a affirmé le professeur, "sont analogues à l'accord que conclut l'acheteur d'un bien volé avec l'auteur de ce vol. En étant conscient de l’origine de ce bien, l’acheteur devient receleur", ajoutant que "l’extension des préférences tarifaires par l’UE aux produits originaires du Sahara occidental occupé rend l’UE complice de violations flagrantes du droit et engage sa responsabilité internationale".
"Ces accords ne sont pas conformes à la jurisprudence de la CJUE et violent le droit international, a-t-il conclu", a réaffirmé M. David.
Pour sa part, le président du Comité belge de soutien au Peuple Sahraoui, Pierre Galand, a dénoncé, pour sa part, ces nouveaux accords qui violent les arrêts de la CJUE.
Pour M. Galand, au lieu de se conformer à la jurisprudence européenne, la Commission européenne a entretenu sciemment la confusion entre "peuple du Sahara occidental" et "populations locales", pour mener un processus de "consultation" complètement biaisé avec des "colons" marocains, et non pas avec le peuple sahraoui.
De son côté, François Dubuisson, professeur en droit et chercheur au Centre de droit international à l’ULB a indiqué lors de cette même conférence et à l’occasion d’une seconde rencontre organisée sur le même sujet au Centre national de coopération au développement (CNCD) à Bruxelles, que la CJUE qui a statué sur l’inapplicabilité des accords UE-Maroc au Sahara occidental, a également mis l’accent sur des principes fondamentaux pertinents, notamment le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et l’effet relatif des traités.
Revenant sur ces nouveaux accords adoptés récemment par le Parlement européen, M. Dubuisson a indiqué que "l'UE a fait la sourde oreille en contournant les arrêts de la CJUE, et ce dans le seul objectif de gagner du temps".
M. Dubuisson a, dans le même contexte, analysé que si la Commission voulait réellement se conformer aux arrêts de la Cour de Justice de l’UE, elle aurait dû, soit négocier avec le Front Polisario, soit exclure le Sahara occidental du champ d'application de ces accords.
En échange, a-t-il regretté, la Commission européenne a opté pour une nouvelle "entourloupe" en inventant un processus de "consultation" avec les "parties concernées", or la CJUE a clairement exigé le consentement du peuple sahraoui, préalablement à tout accord ou extension d’accord au territoire du Sahara occidental.
Qualifiant les arrêts de la CJUE de 2016 et de 2018 d’avertissement dans le sens où la Cour n’est pas allée jusqu’à annuler les accords entre l’UE et le Maroc, puisqu’elle n’a pas eu à vérifier leur applicabilité illégale "effective", M. Dubuisson a indiqué que les recours en annulation qui seront introduits par le Front Polisario contre les nouveaux accords aboutiront à des "décisions plus tranchées de la part de la CJUE, qui sera amenée à statuer soit pour l’annulation desdits accords, soit pour exiger à ce que des clauses d’exclusion du Sahara occidental soient intégrées dans les futurs accords entre l’UE et le Maroc".
De son côté, Boris Fronteddu, du Comité belge de soutien au Peuple Sahraoui, est revenu lors de son intervention sur l’entreprise de lobbying et de pressions ayant mené à la conclusion de ces nouveaux accords, notamment "le rôle joué par l’un des Etats membres de l’UE, en l’occurrence la France, qui a usé de tout son poids au niveau du Conseil de l’UE et de la Commission européenne afin de faire adopter ces nouveaux accords".
M. Fronteddu est revenu également sur les irrégularités ayant entaché le processus au niveau du Parlement européen, en rappelant notamment que le Rapporteur de la Commission du commerce international (INTA) du Parlement européen sur l’accord agricole UE-Maroc, la libérale française Patricia Lalonde, a été contrainte à la démission suite aux révélations concernant son implication dans un cas de conflit d’intérêt flagrant, du fait de son appartenance, non déclarée, à la fondation de lobbying pro-marocaine, EuroMedA. (SPS)
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