Bruxelles, 06 nov 2018 (SPS) Des eurodéputés ont dénoncé la "partialité" et les "incohérences" du rapport de mission au Sahara occidental occupé présenté mardi par le rapporteur de la Commission du Commerce international du Parlement européen (INTA), l’eurodéputée française Patricia Lalonde, soulignant qu’il existe une "volonté manifeste" de contourner les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en passant outre le consentement du peuple du Sahara occidental.
Présentant lundi son rapport de mission au Sahara occidental occupé qui s’est déroulé les 3 et 4 septembre 2018, Patricia Lalonde a fait face aux interpellations de ses pairs parlementaires, qui ont dénoncé la "partialité" de son rapport et les "incohérences" de la Commission et sa "volonté manifeste" de contourner les arrêts de la CJUE, en passant outre le consentement du peuple sahraoui.
Mme Lalonde, qui n’a pas hésité à qualifier "d’impressionnant" le développent dans les régions qu’elle a eu à visiter au Sahara occidental occupé, s’est abritée derrière un nouvel artifice, à savoir la mise en place d'un mécanisme de "traçabilité" des produits originaires du Sahara occidental préalablement à la ratification de l’accord UE-Maroc.
Toutefois, elle a reconnu la persistance "d’incertitudes" s’agissant notamment de la question du consentement du peuple sahraoui, rejoignant ainsi l’avis du service juridique du Parlement européen qui a émis récemment des doutes sur la conformité de la proposition d'amendement de l’accord d'association UE-Maroc aux exigences de l’arrêt de la CJUE.
Prise à partie par l’eurodéputée Heidi Hautala, membre de la délégation qui s’est également rendue au Sahara occidental occupé dans le cadre de cette même mission, Patricia Lalonde n'a pas pu se défendre et avancer des arguments pour défendre sa thèse.
Tout en se démarquant dudit rapport, qu’elle a qualifié de "partial" et "d’unilatéral", Heidi Hautala a ajouté que les ONG qui défendent le droit à l’autodétermination, qu’elle a pu rencontrer, subissent une persécution permanente de la part des autorités marocaines.
Replaçant la problématique dans sa globalité, Mme Hautala a indiqué que les positions de l’UE et du Parlement doivent découler de l’arrêt de la CJUE du 21 décembre 2016 qui avait statué que le Maroc n’est pas souverain sur le Sahara occidental.
Mettant en garde contre la ratification de l’accord Maroc-UE, qui signifierait, selon elle, "la perte de la dernière carte de pression sur le Royaume", Mme Hautala a annoncé que son groupe politique (Vert/ALE) s’y opposera et que si jamais l’accord venait à être ratifié, des poursuites en justice seront engagées.
De son côté, l’eurodéputée Anne-Marie Mineur a affirmé que l’arrêt de la CJUE énonce clairement l’impératif du consentement du peuple du Sahara occidental à travers son représentant légitime, le Front Polisario, en ajoutant que la Commission européenne se perd dans la "sémantique", en remplaçant "peuple" par "population" et en procédant à des "sondages" au lieu de chercher "le consentement" comme l’exige la Cour de justice.
"La CJUE doit être consultée sur la conformité de la proposition de la Commission", a-t-elle réclamé tout en plaidant pour le report du vote de la recommandation prévue au niveau de la Commission INTA, le 3 décembre qui coïncidera avec le lancement des négociations entre le Maroc et le Front Polisario à Genève prévues les 5 et 6 décembre 2018.
La députée Maria Arena a rappelé, pour sa part, que l’arrêt de la CJUE a statué que l’accord Maroc-UE dans sa forme actuelle était "illégal" et qu’il s’agit de se mettre en conformité avec la loi en respectant les exigences de la justice, notamment la nécessité d’obtenir le "consentement" du peuple sahraoui.
Mme Arena a plaidé aussi pour la mise en place d’un mécanisme de traçabilité "fiable", qui doit comprendre y compris des codes postaux, tout en rappelant que le parlement européen a été déjà "berné" sur cette question.
L’eurodéputé allemand, Klaus Buchner, a rappelé, quant à lui, que la question est celle de "la main mise par le Maroc sur un territoire indépendant" et que l’arrêt de la CJUE subordonne la conclusion de tout accord incluant ce territoire au consentement du peuple du Sahara occidental.
Dans ce contexte, il a dénoncé le contournement par la Commission de cette exigence de la Cour en la substituant par un procédé qu’elle a dénommé "consultation de la population locale", composée de colons marocains et non pas de sahraouis, a-t-il signalé.
De son côté, son compatriote, Joachim Schuster a exprimé des doutes quant à la possibilité d’avoir une réponse claire sur la mise en place d’un mécanisme de traçabilité avant le vote au niveau de la Commission INTA, le 3 décembre 2018, vote qu’il estime prématuré.
Il a plaidé, à cet effet, pour le report du vote à une date ultérieure, au risque d’entraver les efforts de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, M. Horst Kholer en "jetant de l’huile sur le feu" juste avant la relance des négociations prévue à Genève.
Il a, par ailleurs, remis en cause la démarche de la Commission, qui recourt à la "rhétorique diplomatique" en réduisant la problématique a une simple question technique alors que les accords commerciaux ne sont pas, par définition, "apolitiques".
Aleksander Gabelic a rappelé que le Sahara occidental ne fait pas partie du Royaume du Maroc et que le Front Polisario et la société civile sahraouie sont opposés à l’accord alors que le député Helmut Scholz a indiqué que "l’UE doit négocier avec le Front Polisario qui représente le peuple du Sahara occidental, en appelant ses pairs du Parlement européen, qui est le co-législateur, à prendre une décision claire, qui y va de leur crédibilité et de celle de l’UE".
Les eurodéputés qui se sont exprimés à cette occasion ont tous réclamé davantage de clarté avant de devoir se prononcer sur la proposition de la Commission INTA sur l'accord UE-Maroc, prévu le 3 décembre 2018. (SPS)
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