Paris, 17 mai 2017 (SPS) Les membres de la défense des prisonniers politiques sahraouis jugés par les autorités marocaines se sont retirés du procès et deux avocates françaises ont été violemment expulsées de la Cour d’appel de Rabat, a indiqué l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).
Dans un communiqué publié mercredi, Hélène Legeay, responsable Maghreb/Moyen-Orient à l’ACAT, a estimé que cet épisode choquant n’est que le climat d’un procès que les magistrats n’essaient même plus de faire passer pour équitable.
Entre la comparution de faux témoins, la partialité manifeste de la Cour, les interrogatoires sur la base d’aveux signés sous la torture et la réalisation d’expertises médico-légales truquées pour écarter les allégations de torture des accusés, il ne se trouve plus personne d’un tant soit peu honnête pour louer la qualité de la justice dans ce procès, a expliqué le responsable de l’ACAT.
Mardi, lassés par de longs mois d’un procès marqué par une iniquité manifeste, les accusés et leurs avocats marocains et sahraouis ont annoncé leur volonté de ne plus participer à ce qu’ils estiment être un simulacre de procès, a-t-on encore indiqué.
Les avocates françaises, Olfa Ouled et Ingrid Metton, représentant les accusés ont demandé d’adresser un mot à la Cour, comme venaient de le faire leurs confrères, avant de donner leur décision sur leur retrait. Le président a refusé, ordonnant aux avocates de répondre uniquement par oui ou par non. Devant le refus des avocates françaises de répondre de cette manière, le président a annoncé qu’il faisait acter d’office leur retrait et a ordonné leur expulsion de la salle d’audience, a ajouté le communiqué de l’ACAT.
Les avocates françaises ont voulu contester cette décision inique. Les policiers ont saisi Me Olfa Ouled par le bras pour la trainer jusqu’à la porte et ont poussé violemment Me Ingrid Metton jusqu’à la sortie de la salle. Me Ouled souffre d’une élongation et d’un hématome au bras, a-t-on précisé.
Les accusés ont été l’objet de nombreuses atteintes au droit à un procès équitable depuis la première audience du procès en appel, le 26 décembre 2016, note l’ACAT, signalant que des témoins de l’accusation apparus mystérieusement, sept ans après les faits, et qui ont formellement identifié des accusés sur commande dans la salle d’audience après avoir été pourtant incapables de les décrire physiquement lors de leur interrogatoire précédent l’identification .
Certains témoins ont assuré avoir vécu une vingtaine de jours dans le camp de Gdeim Izik mais ont été incapables de citer les noms des personnes avec qui ils ont vécu. L’un d’eux a même assuré avoir vu Naâma Asfari dans le camp le 8 novembre 2010, alors que ce dernier avait été arrêté la veille, a-t-on ajouté.
Par ailleurs, l’ACAT a affirmé que les avocats des accusés ont reçu les rapports d’expertises médico-légales réalisées sur 16 des 24 accusés qui allèguent avoir été torturés pendant leur garde à vue, soulignant que ces expertises, prétendument menées conformément aux standards internationaux définis par le Protocole d’Istanbul, ont été analysées par des experts internationaux qui ont relevé des erreurs essentielles flagrantes, entachant totalement la crédibilité et donc la validité desdits rapports.
Les 24 militants sahraouis ont été arrêtés, torturés et condamnés à de lourdes peines sur la base d’aveux signés sous la torture en raison de leur participation au camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en 2010.
Les condamnations ont été prononcées le 16 février 2013 par le tribunal militaire à l’issue d’un procès inique marqué notamment par le refus d’entendre les témoins cités par la défense et d’ordonner une expertise médico-légale concernant les allégations de torture des accusés.
Les noms des victimes que les accusés sont présumés avoir tuées n’ont même pas été mentionnés lors du procès. Le 27 juillet 2016, la Cour de cassation a cassé le jugement et renvoyé les accusés devant la Cour d’appel de Rabat. (SPS)
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