Chahid ElHafed, 29 oct 2012 (SPS) "Sahara occidental : deux propositions de solution", titre le représentant du Front Polisario auprès de l’ONU, Boukhari Ahmed, un article sur la question du Sahara occidental, rendu publique par le journal espagnol, El Pais dans son édition de vendredi.
Dans cet article publié à la veille de la visite de l’Envoyé personnel du SG de l’ONU au Sahara occidental, Christopher Ross dans la région et en Europe, le diplomate sahraoui a estimé "que le référendum pour le peuple sahraoui doit être au centre des négociations".
Voici le texte intégral de l’article traduit de l’Espagnol :
"Le référendum pour le peuple sahraoui doit être au centre des négociations
L'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU passera, probablement, par Madrid le 27 octobre dans le cadre de sa tournée dans la région qui a pour objectif, selon les propos de l'ONU, "d'échanger les points de vue entre les acteurs principaux sur la manière d'accélérer le processus afin de parvenir à la réalisation de son principal objectif identifié par les résolutions successives du Conseil de sécurité à savoir une solution politique mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental".
Ross aurait pu effectuer cette tournée en mai dernier s'il n'y avait pas la curieuse et surprenante décision marocaine de mettre fin à la coopération du Maroc avec lui.
Ross revient donc à la région avec la mission "d'accélérer le processus en vue de concrétiser son objectif ultime". Cela requiert, d'une part, le réexamen des causes ayant conduit à l'impasse actuelle, et, d'autre part, un examen de fond des différentes propositions de solution posées actuellement sur la table du Conseil de sécurité.
Le processus actuel qu'il dirige au nom de l'ONU n'a pas réellement commencé en 2007, à Manhasset, mais en 1979. Cette année-là, la Résolution 3437 (1979) de l'Assemblée générale exhortait le Maroc à "mettre fin à son occupation militaire du Sahara Occidental et de négocier avec le Front Polisario, comme représentant légitime du peuple sahraoui, les termes d'un cessez-le-feu et les modalités d'un référendum d'autodétermination. "
L'OUA tenta de suivre cette voie mais elle se heurta, en 1983, au refus marocain et prit alors la décision d'admettre en son sein la République arabe sahraouie démocratique (RASD), en tant que membre à part entière. La colère du Maroc le poussa à se retirer de l'Organisation, et cette colère dure jusqu'à aujourd'hui.
En 1991, la persistance de l'ONU et de l'OUA dans leurs efforts et les conséquences de 16 ans de guerre purent finalement convaincre le Maroc d'accepter l'organisation d'un référendum d'autodétermination dans lequel le peuple du Sahara occidental aura à choisir entre l'intégration au Maroc ou l'indépendance.
La MINURSO s'installa alors sur le territoire avec l'objectif d'organiser le référendum en Février 1992.
Le reste est connu. Rabat parvint, fin 1998, à la conclusion que le référendum conduira inévitablement à l'indépendance du Sahara occidental et prit la décision de s'en dérober.
Après avoir rejeté le plan Baker, Rabat annonça en avril 2004, au Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, qu'elle s'opposera à tout plan de paix incluant l'option de l'indépendance du Sahara occidental, affirmant que l'indépendance "met en cause la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. " Kofi Annan répondit, dans son rapport d'octobre 2004, que "l'option de l'indépendance avait déjà été acceptée par le Maroc dans le plan de règlement."
Il y a à peine deux semaines, le rapport du Département d'Etat américain au Congrès a souligné que "le Maroc revendique la souveraineté sur le Sahara occidental, une position qui n'est pas acceptée par la communauté internationale." Le rapport va même plus loin quand il affirme que "le Maroc n'est pas considéré par l'ONU comme la puissance administrante, de jure, du territoire." En réalité, la puissance administrante du territoire demeure encore l'Espagne, bien que celle-ci ne cesse d'éviter cette vérité.
En Juin 2007, encouragé par certains secteurs de l'administration Bush, par Chirac et Zapatero et par Sarkozy plus tard, le Maroc présenta au Secrétaire général de l'ONU sa fameuse proposition d'"autonomie", qui fut immédiatement contrée par la proposition de solution du Front POLISARIO . Le Conseil de sécurité prit note des deux propositions sans les qualifier de "sérieuse et crédible", comme voulait voir le Maroc. Il suffit de lire le texte de la Résolution 1754 (2007).
Sur la base de ces développements, nous avons commencé le processus de Manhasset, en Juin 2007.
La «troisième voie» proposée par Rabat, n'est en fait qu'une solution unilatérale, conçue pour légitimer un "butin de guerre". Son péché capital réside dans l'hypothèse irréaliste que la communauté internationale et le Polisario accepteraient, d'emblée et d'évidence, son principe de base, c'est à dire la souveraineté marocaine unilatéralement proclamée sur le Sahara occidental.
Pour Rabat, l'autodétermination est secondaire, superflu, et sa fonction est de «confirmer un accord", qui doit porter uniquement sur l'incorporation du territoire au Maroc, et cela devrait être le seul but de la négociation.
Le Maroc continue loin de la réalité, du bon sens et du droit international
La proposition sahraouie diffère de la proposition marocaine dans la mesure où elle reste ouverte à toutes les options préconisées par l'ONU pour un problème de décolonisation et, par voie de conséquence, ouverte à toutes les solutions, y compris l'indépendance, l'autonomie ou l'intégration; ces deux dernières étant en fait deux faces d'une même monnaie.
Par conséquent, la négociation, aux yeux du Front Polisario, doit situer au centre la consultation du peuple sahraoui et son objectif se doit d'éliminer les obstacles sur la voie du référendum d'autodétermination.
Ce point de vue a été confirmé de nouveau par le Secrétaire général de l'ONU dans son rapport d'avril 2011, disant que «l'opinion du peuple sahraoui est l'élément central dans la recherche d'une solution juste et durable".
La nouveauté dans la proposition du Polisario est le fait d'inviter le Maroc à élargir l'horizon et utiliser le processus de paix afin de pouvoir mettre en place des conditions mutuellement avantageuses dans les deux cas de solution, l'indépendance ou de l'autonomie, dont l'application prendra effet le jour après les résultats du référendum. Le Maroc continue de tourner le dos à cette invitation.
Cinq ans se sont écoulés depuis le début du processus de Manhasset et force est de constater qu'il ne mène nulle part pour la simple raison que la proposition marocaine, telle que composée, sape les fondements et la raison d'un processus d'autodétermination relatif à un conflit de décolonisation.
Pendant ce temps, le Maroc veut apparaître en tant qu'intermédiaire volontaire au milieu de feux lointains dans le Sahel, au Moyen-Orient. La stratégie évasive est ici clairement explicite. Certains peuvent pousser le jeune roi à ces latitudes en échange de «promesses». Quoi qu'il en soit, encouragé par certains, à l'intérieur ou à l'extérieur, le Maroc continue en orbite loin de la réalité, du bon sens et de la légalité internationale. En fin de compte, cela n'est bon ni pour le Maroc ni pour la région. Cette orbite et son corollaire en matière de violations des droits de l'homme - «un sujet de graves préoccupations» pour le Département d'Etat américain-, le pillage des richesses d'un peuple sans défense, ne peuvent qu'aggraver la tension, éloigner de plus en plus sahraouis et marocains et compliquer la mission de Ross.
Ahmed Boukhari Représentant du Front Polisario à l'ONU. " (SPS)
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