Ivry-Sur-Seine (France), 27 nov 2018 (SPS) Les territoires occupés sahraouis sont une "grande prison" dans laquelle les Sahraouis subissent quotidiennement la torture, la répression et de la souffrance, a affirmé lundi à Ivry-sur-Seine la fille du plus ancien prisonnier politique sahraoui au Maroc, Fatou Yahia Mohamed el-Hafedh.
"Nous sommes dans une grande prison dans les territoires occupés et nous souffrons tous les jours de l'occupation marocaine qui nous fait subir de la torture, de la répression et de l'injustice", a indiqué cette membre de la Ligue de protection des prisonniers politiques sahraouis au cours d'un débat sur le thème "Droits humains au Maroc, la défense des prisonniers politiques marocains et des prisonniers politiques sahraouis".
Cette jeune sahraouie, venue d'El-Ayoun (capitale sahraouie occupée), a évoqué au cours de la soirée-débat, organisée dans le cadre du Festival des solidarités Internationales, la situation des Sahraouis dans les territoires occupés qui subissent les "affres" du colonialisme marocain, dont les forces de l'occupation s'abattent systématiquement et particulièrement sur les familles des prisonniers politiques sahraouis qui sont, selon elle, au nombre de 45.
"Les travailleurs sahraouis dans les territoires occupés qui manifestent pour le soutien des prisonniers politiques voient, sans aucune justification, leur salaire réduit", a-t-elle ajouté dans son témoignage.
Claude Mangin, épouse de Naâma Asfari, militant sahraoui détenu au Maroc du groupe de Gdeim Izik, a mis en exergue les conditions "inhumaines" que connaissent les prisonniers sahraouis dans les geôles de la puissance occupante, citant le cas de son mari qui "ne reçoit aucun soin dont il a besoin".
"Les prisonniers politiques sahraouis sont détenus dans sept prisons éloignées entre elles qui sont très loin de leurs familles", a-t-elle rappelé, soulignant que les prisonniers sont traités comme des criminels.
"La puissance occupante a mis sur pied une machine judiciaire qui broie les militants sahraouis des droits de l'Homme, malgré le fait qu'elle ait signé tous les accords et conventions internationaux", a ajouté cette militante française interdite par les autorités marocaines de rendre visite à son époux, se disant indignée de voir "l'incapacité" des autorités françaises face à l'application d'un droit international humanitaire.
De son côté, l'avocate des prisonniers politiques sahraouis, Ingrid Metton, expulsée du tribunal en plein procès, a indiqué que la justice au Maroc est un "outil" de propagande contre le peuple sahraoui qui revendique son droit à l'indépendance à travers un référendum d'autodétermination, un droit garanti par les résolutions des Nations unies.
Après avoir fait état des difficultés rencontrées lors de la défense des prisonniers politiques sahraouis de Gdeim Izik, Ingrid Metton a affirmé qu'il existe au Maroc des violations "constantes" des droits de prisonniers sur lesquels "on n'applique aucune procédure judiciaire", avant de les juger.
"Nous, avocats français, avons subi lors du procès au Maroc ce que les Sahraouis subissent depuis plus de 40 ans", a-t-elle résumé, se disant "pessimiste" quant à la justice marocaine mais "optimiste" vis-à-vis de la justice internationale qui permettra, selon elle, à "faire avancer les choses".
L'intellectuel, artiste et cinéaste américain Jean Lamore est venu témoigner sur la décision récente et "injustifiée" du centre Georges-Pompidou de retirer d'une présentation un ouvrage collectif, dont il est co-auteur, "Necessita dei Volti" (L'urgence des visages).
Il a déploré, dans cette affaire, que l'Etat français et ses institutions cèdent à la pression du royaume du Maroc, relevant les relations "intimes" d'un grand nombre de responsables français avec le palais marocain. Ce qui a laissé penser maître Ingrid Metton que les Marocains "détiendraient des dossiers sur ces responsables français".
Dans cette soirée-débat, deux Marocains défenseurs des droits humains étaient présents pour apporter leurs témoignages sur la situation des droits de l'Homme au Maroc, notamment dans la région du Rif qui a connu une révolte populaire réprimée dans le sang et par l'emprisonnement "systématique" des révoltés.
Ayad Ahram, de l'Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM), créée en 1984 à l’initiative de démocrates marocains résidant à l’étranger, a évoqué la machine répressive des autorités marocaines qui s'abat sur les Rifains et les citoyens d'autres régions exprimant, de manière pacifique, leurs revendications sociales ou socio-économiques.
"Ces mouvements populaires revendiquent l'alimentation en eau, de l'emploi et de la considération. La réponse des autorités se manifestent par les détentions, les intimidations, la répression et les procès sont entachés d'irrégularités", a-t-il témoigné, soulignant le caractère "pacifique" de ces mouvements.
L'autre défenseur des droits de l'Homme au Maroc, Boualem Azzaoum du Comité de soutien du Rif, a indiqué que les révoltés du Rif sont accusés par la justice marocaine de "séparatistes", de "soutiens" au Front Polisario ou encore d'être "financés" par l'Algérie, notant que les tribunaux au Maroc "travaillent en permanence" depuis deux ans.
Avec ironie, il cite pour exemple, relevant de la "tragicomique", une plainte déposée par 180 policiers contre 19 citoyens du Rif, une région qui a connu dans son histoire, a-t-il dit, "beaucoup de souffrances et de malheurs".
"Il n'y a pas de villes où des familles n'ont pas été touchées par la répression des autorités marocaines. Les prisonniers, qui sont dans 11 prisons, ont subi de la torture et les peines sont distribuées en vrac avec comme accusations de séparatisme, intelligence avec des puissances étrangères", a-t-il précisé, indiquant qu'aujourd'hui, les Marocains "ne peuvent pas se balader à trois". (SPS)
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