New York (Nations Unies), 31 oct 2021 (SPS) C'est un Conseil de sécurité divisé qui a procédé vendredi à la prorogation du mandat de la mission des Nations Unies au Sahara Occidental en vertu d’une résolution "déséquilibrée" présentée par les Etats Unies et marquée surtout par l’empreinte de la France.
Le texte, qui a suscité les critiques de plusieurs pays membres du Conseil de sécurité, appelle à la reprise du processus onusien, à l’arrêt depuis mai 2019, date de la démission de l’ancien émissaire de l’Onu, Horst Kohler. La résolution a été adoptée par treize voix pour et deux abstentions, celles de la Russie et de la Tunisie.
Le mandat de la Minurso n’a pas fait l’objet d’un renouvellement consensuel au sein du Conseil de sécurité depuis 2017, suscitant une nouvelle fois les critiques objectives de plusieurs membres de l'instance onusienne.
Le ton a été donné par la Russie qui a vigoureusement dénoncé que les contributions de sa mission à l'ONU n’aient pas été prises en compte.
"Les consultations sur le projet n'ont pas tenu compte de nos commentaires raisonnables et de nos solutions de compromis recommandées. Un certain nombre de propositions constructives d'autres membres du Conseil de sécurité sont également restées lettre morte", a regretté Dmitri Polyanskiy, l’ambassadeur adjoint russe à l’ONU.
Critiquant le travail mené par le porte plume, en l’occurrence les Etats Unis, sur ce dossier, le diplomate russe a rejeté les tentatives visant à estomper les paramètres du règlement de ce conflit vieux de plus quatre décennies.
Polyanskiy a déploré les nouveaux éléments de langage introduits ces dernières années dans les résolutions prorogeant le mandat de la Minurso, citant en cela les références dans ces textes à la nécessité de s’en tenir à une "approche réaliste" ou à "des compromis".
Les termes utilisés de "démarches réalistes" et de "compromis prolongent l’ambiguïté" et sapent les travaux du Conseil de sécurité, nuisant ainsi aux perspectives d’un dialogue direct entre les deux parties au conflit, le Front Polisario et le Maroc, a expliqué la délégation russe.
Pour Moscou, le texte adopté ne contribuera pas aux efforts de l’Envoyé personnel pour relancer ces négociations directes.
Un texte déséquilibré
Tout en ayant voté en faveur du texte, le Vietnam, le Mexique et la Chine ont exprimé des préoccupations proches, regrettant que le texte n’ait pas été "plus équilibré" et ne reflète pas mieux la situation sur le terrain.
Le Vietnam a rappelé sa position de principe d'un appui au règlement des conflits par des pourparlers de paix entre les parties au conflit.
La Chine a en outre demandé pour l’avenir "davantage de consultations" sur la prorogation du mandat. Le Mexique a lui aussi dénoncé "le manque d’ouverture au cours de la négociation pour incorporer des propositions importantes dans la résolution qui ont été soutenues par plusieurs délégations".
Il a cité les demandes visant à obtenir des informations plus fréquentes, "compte tenu de la détérioration significative de la situation, tant par rapport à la rupture du cessez-le-feu qu’à l’aggravation de la situation des droits humains".
Le représentant du Kenya à l’ONU, quant à lui, a plaidé pour une meilleure prise en compte des positions de l’Union africaine et a mis en avant, à ce titre, l’appel lancé le 9 mars par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
Si le succès de l’Envoyé personnel dépendra du soutien que lui accordera le Conseil de sécurité, M. de Mistura devra aussi œuvrer avec l’UA, a ajouté le représentant, qui s’est prononcé pour un libellé mettant davantage l’accent sur le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental et sur le respect des droits de l’Homme, en revenant au libellé initial des résolutions relatives au Sahara occidental mentionnant ce droit à l’autodétermination et l’organisation d’un référendum.
"Pays qui a acquis son indépendance après avoir été colonisé", le Kenya apporte son appui à l’autodétermination des peuples, a-t-il souligné.
Face à l’absence d'unanimité du Conseil sur son texte, la délégation américaine s’est contentée de convier ses membres à discuter des moyens de soutenir Staffan de Mistura.
Le Polisario va reconsidérer sa participation au processus onusien
Contacté vendredi par l’APS, le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek, a déclaré que le Conseil de sécurité, par son approbation vendredi de la résolution "a compris qu'il n'y a plus de cessez-le-feu".
"Il est arrivé au même constat de l'UA avant lui, en concluant que la guerre entre les deux parties a repris après l'agression du 13 novembre 2020 (à El-Guerguarat). C'est ce que le secrétaire général Antonio Guterres a confirmé dans son rapport au Conseil" sur la situation au Sahara occidental, a précisé Ould Salek.
"L'option de la paix n'est possible que sur la base du respect de la légalité internationale qui ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental", a-t-il ajouté dans la même déclaration.
Réagissant à cette nouvelle résolution, le Front Polisario a dénoncé dans un communiqué "l'inaction et le silence du Conseil de sécurité", en particulier de certains de ses membres influents, en allusion à la France et aux Etats-Unis.
Selon le Front Polisario, la résolution est "un échec" du fait qu’elle ne contient pas de mesures pratiques devant assurer la pleine mise en œuvre du mandat pour lequel a été créée la Minurso en vertu de la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité.
La résolution ne prévoit pas également des mesures pour s'opposer résolument aux tentatives du Maroc de légitimer le fait accompli colonial imposé par la force dans les territoires sahraouis occupés.
Et en application de sa décision de 2019 de reconsidérer sa participation au processus de paix conduit par les Nations Unies, le Polisario a fait savoir qu’il comptait prendre des mesures concrètes concernant sa participation au soi-disant +processus politique+ ainsi que la présence et le travail des observateurs militaires de la Minurso déployés dans les territoires sahraouis libérés.(SPS)
020/090/700