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Témoignages de Sahraouis des territoires occupés : torture, marginalisation, humiliation

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Alger, 04 nov 2012 (SPS) Torture, marginalisation, humiliation, intimidation et traque font partie du quotidien des Sahraouis, notamment ceux qui vivent à El-Aaiun occupée où il ne se passe pas un jour sans qu’un Sahraoui ne soit pas arrêté ou battu par les forces d’occupation marocaine, selon des témoignages recueillis par l’APS auprès d’activistes sahraouis des droits de l’homme.

"Chaque jour est un combat et un défi pour nous. Nous vivons cette situation depuis 37 ans", ont affirmé ces activistes, en marge d’une série d’activités en solidarité avec le peuple sahraoui organisées récemment à Alger par le Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS).

Abattus par les supplices qu’ils subissent, mais "déterminés" à rester "forts et sereins", ces Sahraouis racontent leurs supplices avec beaucoup d’amertume et de chagrin. Visage fermé et triste, le jeune Meftah Abdelaziz a été arrêté et torturé à plusieurs reprises, dit-il, alors qu’il n’a que 22 ans.

Etudiant à Agadir, Abdelaziz a été arrêté après des manifestations pacifiques du 24 juillet 2007 à El Aaiun occupée. Il avait alors subi "toutes sortes de torture’, raconte-t-il. "J’ai été d’abord torturé dans la voiture qui m’emmenait à la cellule où je devais subir les pires supplices", se rappelle-t-il avec une voix éteinte, ce qui en dit long de sur sa forte émotion.

Plongé dans ses douloureux souvenirs, Abdelaziz affirme qu’il avait été "brutalisé" et "interrogé" juste après son arrestation. "La police voulait savoir si j’entretenais des rapport avec le Front Polisario", dit-il. "Mes tortionnaires se relayaient par équipe pour m’interroger.

Ils m’avaient complètement déshabillé puis me jetait de l’eau glacée sur le corps tout en me battant", a-t-il relaté. Les yeux larmoyants, il ajoute : "j’avais failli suffoquer quand ils plongeait ma tête dans de l’eau javellisée".

Après tous ces supplices, Abdelaziz a été "jeté" dans la rue à El-Aaiun occupée, presque inconscient dit-il, remerciant au passage un passant "inconnu et courageux" qui a eu "le courage de le ramasser" pour le conduire à la maison.

"Je m’étais soigné à la maison, les hôpitaux d’El-Aaiun ayant refusé de m’admettre. Les médecins avaient carrément refusé de m’administrer le moindre traitement car l’hôpital pullulaient d’agents des services de renseignement marocains", ajoute ce jeune homme.

Meriem toujours sous le choc de la cellule où elle a été jetée Meriem Bourhimi, également activiste sahraouie des droits de l’homme, n’a pas échappé aux "atrocités" des forces d’occupation marocaine, dit-elle. Son "tort" fut d’avoir pris part à un congrès sur la jeunesse en Afrique du Sud.

A son retour, elle a été arrêtée à l’aéroport de Casablanca, raconte-t-elle, puis un long périple s’en était suivi. "J’ai été arrêtée à 14h par la police et la gendarmerie qui m’avaient traînées d’une brigade à une autre pour me retrouver exténuée, le lendemain à 6h du matin à El-Aaiun".

Cette jeune fille de 29 ans se souvient encore de la cellule dans laquelle elle a été jetée avec son amie. "C’était une cellule triangulaire aux murs tachés de sang, stigmates de prisonniers ayant été déjà suppliciés dans ce lieu ténébreux et insalubre", décrit-elle.

Meriem a été aussi interrogée et accusée d’avoir participé aux manifestations de Gdem IziK, dit-elle, avant d’être relaxée faute de preuves.

Cependant, malgré sa forte corpulence, cette jeune fille souffre de lombagos et de douleurs articulaires causées par les supplices et les coups qu’elle recevait lors de manifestations de la part des forces d’oppression marocaines, se plaint-elle.

Sellam, symbole de femme-courage

Du haut de ses 61 ans, Sellam Noumri, affirme que "la flamme de la révolte" du peuple sahraoui ne s’éteindra pas car, dit-elle, les jeunes Sahraouis d’aujourd’hui ont "tété des seins de mères-courage, assoiffées et éprises d’indépendance". Elle avoue être une "abonnée des geôles de l’occupant" certes, mais elle "croit dur comme fer" à l’indépendance du Sahara occidental.

"Nous avons subi les affres de l’occupant, nous avons été battus à la matraque, emprisonnés, humiliés et torturés, mais nous demeurons dignes et nous continuerons à nous battre pacifiquement.

Nous organisons presque quotidiennement des manifestations pacifiques, auxquelles la police répond par des brutalités, raconte Sellam, visiblement écrasée par le poids des années de souffrance et d’oppression.

Se servant de son foulard pour essuyer ses larmes, cette maman de neuf enfants dit qu’elle vit dans l’anxiété et la peur depuis 1976, sans pour autant "abdiquer et baisser les bras", renchérit-elle encore.

Lejmila à l’écoute d’Al-Aaiun et de Ross

Lejmila Smaili (54 ans) qui a subi les mêmes "cruautés" se plaint aussi de la "traque" des services de sécurité et de renseignement marocains qui l’ont "épuisée", dit-elle. Elle déplore que sa maison, ses déplacements et ses fréquentations soient "étroitement surveillés", se plaignant de "ne pas avoir de vie intime et privée".

Très active, Lejmila affirme qu’elle suit de très près ce qui se passe en ce moment dans les territoires occupés à El-Aaiun où l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU effectue une visite.

Lejmila dit qu’elle est en contact via les réseaux sociaux par internet avec ses compatriotes. "Les gens sont sortis manifester pacifiquement à l’occasion de cette visite, mais comme à l’accoutumée, ils ont été arrêtés et brutalisés par les forces d’oppression", témoigne-t-elle.

Elle affirme que des Sahraouis sortis manifester ont été "balafrés et jetés dans des oueds", regrettant en outre que le peuple sahraoui soit séparé par le "mur de la honte".

Brahim Dihani : "Nous vivons dans une prison à ciel ouvert"

Brahim Dihani, étudiant à Marrakech et activiste des droits de l’homme, se plaint de la pression exercée sur lui et les autres Sahraouis par la police et les services de renseignement marocains. Il dit qu’il est "tout le temps traqué".

"Moi et mes compatriotes sommes surveillés à la loupe, pour ainsi dire et poursuivis jours et nuits par la police et les services de renseignement marocains", se plaint encore ce jeune étudiant en lettres, ajoutant qu’il évite de résider dans une cité universitaire de "peur des services".

Brahim (28 ans) se dit également "outré" par le "black-out imposé par les autorités marocaines sur ce qui se passe dans les territoires occupés notamment", faisant savoir par ailleurs que la "manifestation pacifique" organisée à l’occasion de la tournée de Ross s’est soldée par plusieurs arrestations.

"Selon des témoignages, la population sahraouie dans les territoires occupées est martyrisée et les forces de l’occupant ne font pas de différence entre vieux, jeunes et enfants. Elles brutalisent et battent tous les Sahraouis sans distinction et à huis clos", se plaint-il encore.

Affecté par ces "faits et pénibles souvenirs", il a lancé, d’un regard perçant et rageant sous ses lunettes discrètes : "le Sahara vaincra, c’est notre conviction". (SPS)

020/090/700 041920 NOV 012 SPS