Paris, 12 mars 2014.- Des militants des droits de l’homme en France ont affirmé que "la torture au Maroc est une politique d’Etat" fustigeant le "silence" tant des intellectuels et des médias que des partis dominants en France, qui sacrifient leurs principes sur l’autel d’intérêts économiques avec Rabat.
Sériant des cas jugés "concrets" de torture dans le royaume dont le plus récent est celui du champion du monde de Kick Boxing, Zakaria Moumni, qui a eu la "mauvaise" idée de réclamer des droits (l’application d’un décret royal donnant droit à une indemnité aux champions du monde marocains) avant d’être enlevé, emprisonné, torturé et enfin gracié, les militants marocains estiment que ces faits "mènent à penser que la pratique de la torture au Maroc, par son caractère systématique, est une politique d’Etat".
"Elle est un des maillons d’un système répressif ancré au coeur des mécanismes du pouvoir. Comme le reste des régimes despotiques, malgré une façade démocratique, le pouvoir en place dispose d’un vaste arsenal d’interventions pour contrer les mouvements sociaux et démocratiques qui combattent l’arbitraire policier, la corruption et les politiques anti sociales au service d’une logique de prédation internationale et locale menée et soutenue au plus haut niveau de l’appareil d’Etat", précisent-ils dans une déclaration conjointe parvenue lundi à l’APS.
Les auteurs du document, des militants du Mouvement du 20 février 2011, regrettent qu’en France tout comme au Maroc, intellectuels, médias et partis institutionnels dominants sont "totalement muets face à une situation pourtant connue".
"Sans doute, le rôle que joue le pouvoir marocain comme tête de pont et allié stratégique dans le maintien de la Françafrique, le poids des intérêts des entreprises du CAC 40, la défense de l’Europe forteresse y sont pour beaucoup", soutiennent-ils, estimant qu’il serait judicieux d’ouvrir une "enquête détaillée" sur les coopérations sécuritaires, qui, selon eux, "loin d’être seulement techniques, aboutissent à transférer un savoir-faire dans +la gestion des débordements sociaux+et à faire face, par tous les moyens, au risque d’un soulèvement populaire".
Pour eux, cette "complicité" va jusqu’au soutien affiché des initiatives royales pour leur donner un "label démocratique" avec l’aval de la communauté internationale."Au Maroc, on réprime, on torture, on assassine dans l’impunité totale", rappellent les militants des droits de l’homme marocains, affirmant ne pas pouvoir se résigner à cette situation et qu’il est "urgent que se développe un large mouvement de solidarité contre la pratique de la torture et la répression sous toutes ses formes au Maroc".
Cela représenterait, à leur sens, une condition pour "dessiner un avenir démocratique pour (le) peuple mais aussi pour une région où l’exigence d’un changement radical soit portée par des dynamiques progressistes".
L’impunité, maitre-mot
Entre-temps, les militants signataires de la déclaration relèvent que la pratique de la torture demeure "impunie" dans le royaume."L’impunité des tortionnaires, l’absence d’enquêtes indépendantes, la répétition fréquente d’actes de +peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant+ sans poursuite des responsables, le retour à l’enfermement carcéral, dans des conditions inhumaines, pour les voix dissidentes (comme en témoigne la longue liste des prisonniers politiques) appuieraient l’interprétation que l’Etat marocain a recours systématiquement à la torture", précisent-ils.
Et de rappeler qu’en 2000-2001, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) avait publié une liste des noms de responsables (certains toujours en poste), pour lesquels l’association dispose de présomptions sur leur implication dans les crimes d'enlèvements, d'assassinats, d'arrestations arbitraires et de torture.
Au terme de sa mission menée du 15 au 22 septembre 2012 au Maroc, le rapporteur spécial des Nations Unies, Juan Mendes, avait évoqué, dans un rapport rendu public, un "recours accru aux actes de torture et aux mauvais traitements lors de l'arrestation et pendant la détention", se disant "vivement préoccupé par plusieurs témoignages relatifs au recours à la torture et aux mauvais traitements dans des cas présumés de terrorisme ou de menace contre la sécurité nationale".
Un constat d'ailleurs corroboré par le Conseil marocain des droits de l’homme qui, dans un rapport officiel publié en octobre 2012, concédait que les détenus subissent des "traitements cruels, inhumains ou dégradants" dans la plupart des prisons du royaume. (SPS)