Bruxelles, 21 oct 2016 (SPS) Les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire opposant le Front Polisario au Conseil de l’UE sur l’accord UE-Maroc de libéralisation des produits agricoles, pourraient constituer un "tournant" dans la lutte du peuple sahraoui pour l’autodétermination, ont affirmé jeudi à Bruxelles des juristes internationaux.
Le juriste Eric David, professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles (ULB), a relevé de "nombreux points positifs" dans l’avis de l’avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, rendu le 13 septembre dernier. Des points qui pourront, a-t-il dit, permettre à la question sahraouie d’enregistrer des "avancées".
"Le premier point a trait à la confirmation d’absence de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental", a-t-il déclaré lors d’un séminaire sur "le Sahara occidental devant les juridictions de l’Union européenne", organisé par le centre de droit international de l’ULB.
Dans ses conclusions, l'avocat général a souligné que "l'Union et ses Etats membres n'ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté", constatant que le territoire du Sahara occidental est "depuis 1963, inscrit par l'ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ d'application de sa résolution portant sur l'exercice du droit à l'autodétermination par les peuples coloniaux".
Ce qui signifie, selon ce juriste, "juridiquement, l’accord UE-Maroc ne peut pas lui être applicable".
Le second point positif mis en exergue par le professeur Eric David a trait à la reconnaissance par l’avocat général de la CJUE de la capacité juridique du Front Polisario à agir devant les juridictions de l’UE, insistant sur l’appréciation de ce dernier qui souligne, dans l’une de ses recommandations à la Cour, que le Front Polisario est un mouvement de libération nationale.
Dans un autre cas de figure envisageait dans le cadre de sa série de proposition à la Cour, l'avocat général a recommandé le rejet du pourvoi du Conseil de l'UE et la confirmation de l'arrêt du Tribunal qui a décidé de l'annulation partielle de la décision contestée en ce qu'elle approuve l'application de l'accord de libéralisation au Sahara occidental et relève que le Conseil aurait dû prendre en compte la situation des droits de l'Homme dans ce territoire ainsi que l'impact potentiel de l'accord sur cette situation.
"En clair, l’avocat général reconnaît que l’accord UE-Maroc porte atteinte aux droits fondamentaux du peuple sahraoui dont son droit à l’autodétermination", a estimé Eric David.
Dans l’ensemble, a-t-il poursuivi, les conclusions de l’avocat général souligne la nécessité pour l’UE de respecter le droit international qui impose de ne pas reconnaître une situation illicite.
De son côté, le juriste et expert international, François Dubuisson, plus critique, relève de "nombreuses erreurs" d’analyse et d’appréciation des implications des règles pertinentes du droit international dans l’avis de l’avocat général de la CJUE.
Commentant un des cas de figure envisagé par l'avocat général de la CJUE dans son avis formulé en septembre et dans lequel il préconisait d'annuler l'arrêt du Tribunal et de rejeter le recours du Front Polisario car il estime que ce dernier "n'est pas directement et individuellement concerné par la décision litigieuse" et qu’il n'est pas seul dans la mesure où 'Espagne, en tant que puissance administrante du Sahara occidental est concernée, ce professeur à l’ULB, a affirmé que "cette lecture est totalement absurde".
Selon ce juriste, les conclusions de l’avocat général sont "très peu convaincantes", affirmant que le Maroc n’a aucune souveraineté au Sahara occidental et n’est même pas reconnu en tant que puissance administrante de ce territoire.
C’est pourquoi, il aurait fallu considérer que l’accord UE-Maroc "contraire au droit international et l’annuler carrément", a-t-il préconisé.(SPS)
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