Par Charlotte Bozonnet
LE MONDE.
L'ambassadeur américain à Rabat a été convoqué à cause d'un rapport du département d'Etat critique envers le royaume
Le fait est plutôt rare entre les deux pays : les autorités marocaines ont convoqué, mercredi 18 mai, l’ambassadeur américain dans leur pays, Dwight Bush. Rabat a voulu protester contre la publication du rapport annuel du département d’Etat américain sur les droits de l’homme, particulièrement critique à l’encontre du royaume chérifien.
Publié à la mi-avril, le document, qui consacre une quarantaine de pages au Maroc, pointe une série de problèmes liés au respect des droits de l’homme, notamment des cas de torture en détention. Le rapport dénonce un manque d’indépendance de la justice, affirmant que dans certains cas, le droit à un procès juste a été dénié.
De même, les obstacles mis à la liberté d’expression et de la presse sont pointés dans le rapport, qui met en exergue l’arrestation et le harcèlement de journalistes travaillant sur des sujets « sensibles » pour le pouvoir tels que l’institution monarchique ou le Sahara occidental. Le rapport américain explique s’appuyer sur les informations d’organisations nationales et internationales, dont Amnesty International.
« Approximation » et « mensonge », a répondu mardi 17 mai le ministère de l’intérieur marocain dans un long communiqué. Qualifiant le rapport de « scandaleux », il dénonce des sources « peu fiables » et « politiquement hostiles », des « conclusions générales hâtives et des extrapolations abusives » et révèle que plusieurs réunions se sont tenues ces dernières semaines entre les deux parties, visiblement sans résultat.
« Acharnement »
Des critiques auxquelles le porte-parole du département d’Etat, John Kirby, a opposé une fin de non-recevoir. D’où la convocation le lendemain de l’ambassadeur, Dwight Bush.
Dans un communiqué ayant suivi la rencontre, le ministère marocain des affaires étrangères dénonce « l’acharnement des rédacteurs du rapport, quitte à dénaturer les faits, [qui] pousse le gouvernement du royaume du Maroc à s’interroger sur les véritables visées et motivations de cet exercice », poursuivant : « Le Maroc affirme et confirme le caractère décalé de ce rapport avec la réalité [et] est prêt à aller jusqu’au bout pour confronter, y compris devant les instances américaines appropriées, les données, et passer en revue chaque cas évoqué. »
Les relations sont traditionnellement bonnes entre les deux pays, mais depuis plusieurs mois, le Maroc mène une diplomatie très offensive. Fin février, Rabat avait annoncé avoir suspendu ses contacts avec l’Union européenne après une décision de la justice européenne favorable au Front Polisario dans le domaine commercial. Plus récemment, un conflit ouvert a éclaté avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui avait parlé de « l’occupation » du Sahara par le Maroc. Une partie du personnel de la Minurso, la mission des Nations unies au Sahara occidental, a dû quitter le pays.
Le Sahara occidental est un sujet particulièrement sensible pour le royaume, tout comme les critiques sur la situation des droits de l’homme. Dans ce domaine, les autorités estiment avoir fait d’importants progrès, tandis que des ONG dénoncent régulièrement la persistance d’abus.