Alger, 08 oct 2024 (SPS) La décision de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) d'invalider définitivement deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l'UE en 2019 est "une victoire importante" pour le Front Polisario, a affirmé mardi Juan Soroeta Liceras, expert en droit international, exhortant le représentant du peuple sahraoui à poursuivre cette bataille juridique pour mettre fin au pillage de ses ressources naturelles, d'autant que la Cour lui reconnait la capacité juridique de "contester devant le juge de l'Union les décisions litigieuses, dans l'intérêt dudit peuple".
"Il s'agit sans aucun doute d'une victoire importante pour le Front Polisario, qui rendra les relations entre l'Union européenne et le Maroc encore plus difficiles", a affirmé à l'APS M. Liceras, maître de conférences en droit international et relations internationales.
Ce spécialiste du droit international a jugé "très important que le mouvement de libération sahraoui utilise la voie judiciaire pour empêcher l'exploitation illégale de ses ressources naturelles".
"Cela fait 12 ans, et cela risque de durer encore quelques années", a-t-il averti, soutenant que la CJUE a déjà "commis de graves erreurs de droit, manifestement intentionnelles, sous la pression de la Commission, du Conseil et de certains Etats, en particulier la France et l'Espagne, laissant la porte ouverte à de nouveaux accords avec le "consentement implicite" du peuple sahraoui".
Il a estimé, néanmoins, que "beaucoup de progrès ont été réalisés" et c'est même "la voie à suivre", soulignant que "tout cela renforce le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination" et que les deux accords commerciaux entre l'UE et le Maroc ont été annulés par la haute juridiction européenne pour "violation" de ce droit.
Dans son arrêt rendu vendredi, la haute juridiction européenne a conclu que "les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels le peuple du Sahara occidental n'a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l'autodétermination et de l'effet relatif des traités".
Dans ce même arrêt, la Cour a rappelé que "le Front Polisario est un interlocuteur privilégié dans le cadre du processus mené sous l'égide des Nations unies en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental", affirmant que "le Front Polisario satisfait aux conditions pour pouvoir contester devant le juge de l'Union les décisions litigieuses, dans l'intérêt dudit peuple".
Selon Soroeta, cette reconnaissance n'est "pas une avancée particulièrement significative", sur le plan politique, dans la mesure où "la doctrine internationale est pratiquement unanime sur le statut du Front Polisario en tant que représentant unique et légitime du peuple sahraoui".
En revanche, sur le plan juridique, "il s'agit d'une déclaration de la plus haute importance, car elle lui permettra à l'avenir de s'opposer à tout type d'accord permettant l'exploitation de ses ressources naturelles sans son consentement, et de réclamer des compensations pour l'exploitation illégale de ces ressources pendant des décennies", a-t-il ajouté.
Commentant les précisions apportées par la haute juridiction européenne qui a souligné, dans son dernier arrêt, que "la Commission et le SEAE (Service européen de l'action extérieure) ont consulté non pas le peuple du Sahara occidental, qui est seul titulaire du droit à l'autodétermination par rapport au territoire du Sahara occidental, mais, pour l'essentiel, la "population" de ce territoire, au sens de ses habitants actuels, dont la majeure partie n'appartient pas à ce peuple", ce juriste a soutenu qu' "il est important que la Cour ait affirmé que les colons marocains (plus de 75 % des habitants actuels du Sahara occidental) ne font pas partie du peuple sahraoui, et que la volonté de 75 % du peuple sahraoui vivant dans les camps de réfugiés doit être prise en compte".
Ce spécialiste du droit international a regretté, par ailleurs, que le référendum sur l'autodétermination du peuple sahraoui n'ait pas encore eu lieu, indiquant que la MINURSO a, pourtant, "achevé le recensement en vue du référendum, il y a près de 15 ans".
"Si le référendum n'a pas eu lieu, c'est en raison de la mauvaise volonté de certains membres permanents du Conseil de sécurité, la France en particulier", a-t-il conclu.(SPS)